Claude ONESTA, manager général de la haute performance à l’Agence Nationale du Sport « La haute performance se construit mais aussi se cultive. »

Depuis 2019, l’Agence Nationale du Sport porte une nouvelle gouvernance du sport français. Après Tokyo, et notamment le doublé en or du hand dont Préfon est le sponsor officiel, son manager général de la haute performance, Claude Onesta, revient sur les mérites d’une telle réorganisation pour mieux récolter la victoire.

16 sept. 2021

Aviron en couple, judo et fleuret par équipe, volley et, bien sûr, le doublé des équipes féminine et masculine de hand… Pourquoi les sports par équipe semblent avoir particulièrement performé aux Jeux de Tokyo ?

Habitué à faire siennes les exigences les plus hautes et à dépasser les obstacles, le sportif professionnel fait sans doute partie de ceux les plus à même de supporter un environnement perturbé. Mais nul doute que ces capacités sont encore décuplées en équipe et qu’il a été plus facile de traverser à plusieurs les difficultés engendrées par la crise sanitaire.

Au total, la moisson olympique et paralympique rassemble 87 médailles dont 21 en or… Signe-t-elle déjà un premier bilan pour l’Agence Nationale du Sport (ANS) ?

Après deux ans d’existence, l’Agence ne saurait être l’instigatrice, ni des podiums, ni des défaites. L’ANS vise une réorganisation totale du modèle sportif français, partagée entre l’État, les collectivités territoriales, le mouvement sportif et le secteur privé. Or, cette transformation de fond va forcément prendre du temps. Néanmoins, les nouveaux moyens, financiers et techniques, alloués au secteur handisport ont à l’évidence insufflé une dynamique positive aux résultats paralympiques.

Pourquoi cette transformation de modèle ? L’État se révèle-t-il incapable de déceler et accompagner les talents ?

Notre modèle sportif datait des années soixante, plus administré que managé et sous-tendu par la volonté de proposer à chacun la même capacité de réussite grâce aux mêmes dotations de moyens. Or, pour être vertueuse, cette ambition républicaine s’oppose à la nature même du haut niveau et de la haute performance qui est la sélection. Travailler à la victoire, c’est justement assumer des choix en essayant de se tromper le moins possible, d’où la place des experts au sein de l’Agence. Mais bien évidemment, l’État ne s’efface pas pour autant, assurant la « mise en scène » administrative, réglementaire, de notre vision stratégique. Il ne faut pas non plus oublier que le haut niveau porte l’image de la nation.

Sur quels processus l’Agence s’appuie-t-elle pour accompagner les athlètes ?

La haute performance se construit, mais aussi se cultive. Il s’agit donc d’abord de différencier le haut niveau, lequel marque le chemin vers la performance et peut commencer très jeune, de la haute performance, qui fait la réussite des derniers cent mètres. Nous pilotons le premier qui est opéré par des clubs puis par des structures d’entraînement fédérales ou étatisées où sont collectivement travaillés les potentiels. Nous manageons le deuxième en proximité avec les fédérations car plus les athlètes approchent du but, plus leur accompagnement réclame du « sur-mesure », au plus près de leur singularité. Par ailleurs, la détection doit aussi savoir désormais intégrer une démarche scientifique à l’appui des DATA, et cela même si la volonté profonde de l’individu à s’engager dans cette voie et à en assumer les contraintes reste une condition sine qua non de réussite.

Quelle place revient aux Fédérations dans ce tableau ?

Une place première car l’engagement, qui est l’essence même du sport, est la condition essentielle de la transformation. Comme aux athlètes, nous leur proposons donc un accompagnement adapté pour aller vers plus de performance. Les résultats de Tokyo conduisent à certains bilans, les uns positifs, d’autres sans concessions. Changer est toujours douloureux, mais ceux qui s’y refusent devront renoncer à nos moyens.

A deux ans des Jeux de Paris 2024… Sait-on déjà où seront les médailles ?

Certainement pas, on sait juste où elles ne sont pas ! Outre construire la pérennisation de ceux qui performent déjà, tout le travail qui nous attend maintenant, avec chacune des fédérations, consiste justement à évaluer la distance à la médaille de tous ceux qui doivent encore progresser. Car, n’en déplaise à Pierre de Coubertin, il s’agit bien de se préparer à gagner, pas seulement de participer !