Stratégies climat des acteurs financiers français: des exigences accrues mais encore très hétérogènes

L’autorité des marchés financiers (AMF) et l’autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) ont publié la deuxième édition de leur rapport de suivi des engagements climatiques des acteurs financiers. L’occasion de comparer les engagements concrets des assureurs en faveur de la transition.

19 janv. 2022

Après avoir passé en revue les plans climats des principaux acteurs financiers français, l’AMF et l’ACPR soulignent une mobilisation croissante en faveur de la transition. Pour autant, elles appellent les groupes à poursuivre leurs efforts.

Les stratégies élaborées par les 17 principaux groupes d’assurance français pour lutter contre le réchauffement climatique ont été analysées par les deux autorités de régulation. Pierre angulaire de ces stratégies, les politiques d’exclusion des assureurs font l’objet d’une attention particulière. L’AMF et l’ACPR montrent que les assureurs ont adopté des seuils plus contraignants qu’auparavant pour exclure les investissements dans le secteur du charbon, fortement émetteur de gaz à effet de serre. 12 des 17 assureurs ont ainsi abaissé au moins un seuil d’exclusion, signe d’un durcissement à venir du financement de ces activités. Les assureurs gestionnaires du régime Préfon-Retraite prévoient, comme la plupart des autres acteurs de la place, une sortie définitive du financement du charbon entre 2030 et 2040.

Pour autant, des limites sont soulevées par les autorités. Pour certains investisseurs, le périmètre d’exclusion n’est pas clairement établi : l’exclusion s’applique-t-elle seulement aux nouveaux investissements, ou touche-t-elle également les investissements déjà réalisés (ce qui implique alors de désinvestir) ? Par ailleurs, la date de sortie du financement du charbon n’est pas assortie d’un échéancier graduel, un élément clé pour faire en sorte que l’objectif soit atteint. Au-delà, les politiques d’exclusion du pétrole et du gaz restent limitées, hormis pour ce qui concerne les hydrocarbures non conventionnels, pour lesquels un nombre croissant d’acteurs prévoient des exclusions. C’est le cas des quatre assureurs du régime, qui retiennent néanmoins des périmètres variables : les sables bitumineux constituent le plus petit dénominateur commun, mais certains assureurs excluent également le pétrole et le gaz de schiste, ou encore les hydrocarbures extraits dans l’Arctique. L’exposition moyenne au pétrole et au gaz des assureurs, à 1,2% des placements, se situe cependant sous la moyenne des gestionnaires d’actifs (2%).

Au-delà des stratégies d’exclusion ou de désinvestissement des secteurs émetteurs, d’autres leviers permettent d’œuvrer en faveur de la transition. Parmi ceux-ci est cité le dialogue régulier avec les contreparties afin de les pousser à mettre en place des actions de décarbonation. Les assureurs adoptent en ce sens des démarches de dialogue actionnarial.

Néanmoins, les assureurs sont encore peu nombreux à intégrer des dispositifs d’escalade clairement établis, dans le cas où le dialogue ne conduirait pas à des changements satisfaisants dans les pratiques de l’entreprise. Il s’agit pourtant d’une démarche nécessaire pour que l’engagement actionnarial porte ses fruits. CNP Assurances, apériteur du régime Préfon-Retraite, est cité comme exemple à suivre : l’assureur prévoit dans sa politique « un panel d’actions graduées en cas de non-respect d’engagements formulés dans le cadre du dialogue avec la contrepartie ».

Cette deuxième édition du rapport de suivi montre ainsi que les acteurs de la Place de Paris peuvent continuer de jouer un rôle moteur dans le financement de la transition et les encourage pour cela à élaborer des cadres d’analyse communs et à crédibiliser leurs trajectoires de décarbonation.