Retrouvez l’interview de l’Ambassadrice Amélie de Montchalin, représentante permanente de la France auprès de l’OCDE et ancienne ministre de la Transformation et de la Fonction publiques

A l’occasion des 40 ans du statut de la Fonction publique l’ambassadrice Amélie de Montchalin revient sur la façon dont le nouveau code qui régit désormais le quotidien des agents a été conçu par ses équipes.

8 juin 2023

Crédit photo : OCDE

Quels étaient les objectifs principaux de l’instauration de ce code ?

La Fonction publique est la pierre angulaire du contrat social entre les Français et l’État, puisqu’elle porte et met en œuvre les principes fondamentaux du fonctionnement de notre pays. Elle repose sur trois principes essentiels que sont l’égalité, la neutralité, et l’ouverture des postes publics sur le principe du mérite. Ces socles restent inchangés, et ils sont communs à tous nos agents publics.
L’objectif du nouveau code était ainsi de donner de la cohérence, de la visibilité et de la lisibilité à la diversité des trois versants de la Fonction publique. Il s’agissait tout à la fois de reconnaître que les métiers, les modes de travail, les structures employeurs étaient différentes et d’affirmer fortement ce qu’il y avait de commun entre tous. Au fond ce code consacre juridiquement l’unité de la Fonction publique.
La loi de transformation de la Fonction publique de 2019 voulue par le Président de la République, portée par Olivier Dussopt, puis les travaux sur le code menés lorsque j’étais ministre, ont permis également de faire face aux enjeux liés à la modernisation, à l’attractivité des métiers et à favoriser l’émergence de parcours de carrières, de mobilités qui soient en phase avec les attentes des agents.

Comment ce nouveau cadre peut-il être utilisé afin de favoriser l’emploi public et son attractivité ?

Le travail que nous avons mené avec les employeurs publics et avec les organisations syndicales visait à donner à tous les agents, en particulier ceux qui sont en charge des ressources humaines, un socle commun lisible et cohérent. Ce code, à droit constant, regroupe pour la première fois dans un seul et même corpus tout ce qui concerne la vie, l’évolution de carrière et le quotidien de celles et ceux qui servent l’État. J’étais très attachée à ce qu’il soit égalitaire, tout en préservant, et c’est primordial, la liberté aux employeurs publics de définir les pratiques en matière de ressources humaines les plus adaptées à leurs métiers, ou à leurs territoires. J’ai aussi tenu à ce qu’il naisse d’un dialogue social approfondi sur toutes ces questions, afin que chacun puisse se l’approprier pleinement. Je me réjouis de la qualité de ce dialogue, avec des textes votés soit à l’unanimité soit à la majorité. C’était pour moi essentiel. Ce code ne doit pas être une matière figée. La Fonction publique est une matière vivante, d’hommes et de femmes, qui évolue constamment, à l’image de la société. Mais il constitue un outil déterminant pour travailler de manière pérenne sur l’attractivité des emplois de notre Fonction publique. La perception des Français sur le travail de la Fonction publique et de ces agents a été troublée par des discours politiques éloignés de la réalité. Il est essentiel de poursuivre le travail pour la corriger, d’autant que ces métiers répondent aux désirs des jeunes générations de donner du sens à leur travail, de s’engager pour la solidarité ou dans la transition écologique. Ces sujets sont au cœur de l’État et du rôle des agents. Il faut donc changer le regard et permettre à nos concitoyens de mieux saisir ce qui fait la singularité de ces emplois. Je suis très heureuse que Stanislas Guérini ait encore renforcé le projet de marque employeur de la Fonction publique « Choisir le service public » que j’avais annoncé, avec un site unique de recrutement, et une campagne de communication pour valoriser ces métiers magnifiques vis-à-vis du grand public.

A quels enjeux particuliers a répondu cette démarche de codification ?

Le nouveau code a apporté des précisions bienvenues à de nombreux principes essentiels. Sur la laïcité, par exemple, le code s’est attaché ce que le principe de neutralité s’applique aux agents de la Fonction publique mais aussi à ceux qui agissent en mission de service public dans le cadre des délégations de service public. Pour préserver l’ouverture de la Fonction publique sur la base du mérite, nous avons veillé à rendre possible son accès à plus de nos concitoyens via les concours mais aussi via les procédures de recrutements des contractuels. C’était important de dire qu’il n’y a pas une seule modalité d’engagement auprès de l’État.
J’ai voulu aussi que les travaux puissent renouveler l’approche sur trois enjeux clés. D’abord celui de l’égalité entre les femmes et les hommes. De nouvelles obligations ont été créées par le code en termes de transparence, de formation, de promotion. Plus de la moitié des agents publics étant des femmes, c’était une obligation morale d’établir un cadre plus équilibré. Deuxième enjeu : l’accès à la formation et à la carrière des personnes en situation de handicap. Le nouveau texte instaure des mesures ouvrant la porte de tous les emplois au service de l’État aux personnes concernées. Enfin, l’enjeu de l’ouverture sociale pour lequel j’ai mis en place les parcours « Talents du service public » voulus par le Président afin de recruter des profils plus divers, en particulier dans la haute Fonction publique, choisis sur la base de leurs compétences et capacités singulières.

Quels vont être les effets pour les Français de cette réforme au-delà des questions d’emploi ?

L’un des enjeux des transformations de la Fonction publique est aussi de garantir le bon fonctionnement de l’État. Il nous a permis d’identifier et de corriger les facteurs de freins ou de blocage à cet égard. A l’origine de la création du ministère de la Transformation publique en 2020, nous avions la conviction profonde qu’il fallait conjuguer la gestion « RH » des agents publics, le pilotage de la modernisation de l’État, et la politique de qualité du service rendu au public. Ce code est le résultat de cette approche renouvelée. La conviction du Président de la République est qu’on ne transforme pas l’État, qui est d’abord un collectif humain au service des citoyens, sans porter une attention importante à ces hommes et ces femmes qui le font vivre. Je suis convaincue que ce cadre nouveau, lisible, cohérent, va favoriser l’égalité des accès des Français au service public et son efficacité.