Hausse du point d’indice de 3,5% : une augmentation, en dessous de l’inflation

Après plusieurs mois d’attentes et d’annonces, le Gouvernement a annoncé mardi 28 juin, par la voix de son ministre de la transformation et de la fonction publiques, Stanislas Guerini, une augmentation générale de 3,5% du point d’indice des fonctionnaires.

30 juin 2022

Cette revalorisation est effective dès le 1er juillet 2022, avec un effet rétroactif à valoir sur les payes d’août. Cette mesure sera actée dans le cadre du « Pack pouvoir d’achat » que le Gouvernement présentera début juillet.

Cependant, l’Insee a récemment estimé l’inflation à 5,5% pour l’ensemble de l’année 2022, avec des pointes attendues entre 6,5% et 7% en septembre. Ces données amènent les organisations syndicales à considérer unanimement que cette revalorisation du point d’indice est insuffisante par rapport à l’inflation. Par exemple, la CFDT souhaite que la hausse soit « bien supérieur à 3% ». L’Unsa « considère qu’il s’agit d’une première étape » et explique que « plus on s’approche du taux d’inflation, plus le gouvernement est crédible ». De leur côté, l’Unsa et la CGT demandaient une revalorisation du point d’indice de 10%. La CGT souhaitait aussi une rétroactivité au 1er janvier et une indexation du point d’indice sur l’inflation, comme au début des années 1980. Pour sa part, Force Ouvrière demandait « une revalorisation du point d’indice et un rattrapage des pertes subies depuis 2000, à savoir 25% », assorties de diverses mesures financières.

Le Gouvernement défend sa mesure en affirmant que « c’est la plus forte augmentation depuis 37 ans » et que, de ce fait, plus aucun fonctionnaire ne sera payé en dessous du SMIC. Selon le ministre, cette revalorisation est de plus à additionner aux augmentations individuelles moyennes de 1,5% par an et « représente donc une progression moyenne de 5% de la rémunération des agents de la fonction publique ». La hausse de 1,5% évoquée est en fait liée au Glissement Vieillesse Technicité, qui est un outil de mesure de l’évolution moyenne des carrières plutôt qu’une augmentation de salaire.

Pour les syndicats de la fonction publique, en toute hypothèse, le dispositif annoncé ne suffit pas à rattraper le gel du point d’indice, particulièrement sévère depuis 2010. Certes, sous le mandat de François Hollande, le point d’indice avait été augmenté de + 0,6% en juillet 2016 et de + 0,6% en janvier 2017. Pour autant, l’Insee constate que, de 2009 à 2019, la rémunération réelle (le pouvoir d’achat) a diminué de 0,7% dans le public, quand celle du secteur privé a augmenté de 4,8%. Ces éléments soulignent l’enjeu d’une réévaluation de la rémunération des fonctionnaires et permet de comprendre l’inquiétude et l’insatisfaction des syndicats face aux perspectives d’inflation. Sur ce point, le gouvernement ne prévoit pas de « revoyure » et d’ajustement du point d’indice sur l’inflation.

Plutôt que de poursuivre dans la voie de revalorisations générales, le Gouvernement prévoit une série de mesures complémentaires durant l’année pour un coût total de 170 millions d’euros. En juillet, un décret devrait revaloriser les débuts de carrière de la catégorie B, dans l’esprit de dispositifs du type de ceux issus des accords PPCR en 2017. En septembre-octobre, cette mesure s’appliquerait aussi aux versants hospitalier et territorial et aux statuts particuliers hors catégorie B. En juillet, le Gouvernement prévoit aussi de reconduire l’indemnité individuelle de garantie du pouvoir d’achat (Gipa), qui sera payée fin 2022 ou début 2023, en vue d’éviter à certains agents de voir leur traitement indiciaire brut progresser moins vite que l’inflation. Le forfait mobilités durables (FMD), qui permet la prise en charge des trajets domicile-travail à vélo jusqu’à 200€, devrait aussi être étendu par décret en août ou septembre et entrer en vigueur l’année suivante. Enfin, les prestations interministérielles (aide aux enfants handicapés, aux vacances, à la restauration) seraient augmentées le 1er septembre. Si ces mesures sont nécessaires, le doute persiste sur leur efficacité pour compenser à elles seules l’écart entre les revenus des agents et l’inflation en cours et à venir. De plus, les éléments de rémunération accessoire envisagés n'entrent pas dans le calcul de la retraite de base des fonctionnaires.

Un autre point qui achoppe : le financement de cette mesure. Son coût est estimé à 7,5 Mds€, réparti entre l’État (3,2 Mds€), les collectivités locales (2,28 Mds€) et les hôpitaux (1,99 Mds€). Les collectivités locales (à travers l’Association des Maires de France, l’Assemblée des départements de France, Intercommunalités de France et Association des petites villes de France) et les hôpitaux (via la Fédération hospitalière de France) saluent unanimement cette revalorisation attendue. Cependant, ils s’inquiètent des conséquences sur les budgets des collectivités et des hôpitaux dont les caisses sont déjà dans le rouge et soulignent l’absence de prévision budgétaire par le Gouvernement pour leur permettre de financer ces nouveaux salaires de leurs agents. Les collectivités dénoncent le fait de ne pas avoir été consultées en amont par le Gouvernement et demandent des discussions immédiates et une visibilité budgétaire, tandis que la Fédération hospitalière demande un abondement de l’Ondam (l’objectif national de dépenses d’assurance maladie). Ce à quoi Stanislas Guerini promet une visibilité budgétaire d’ici l’automne.

Ainsi, au vu des première réactions syndicales et des prédictions économiques, malgré cette augmentation du point d’indice, le dossier de la revalorisation des salaires des fonctionnaires ne semble pas clos pour les mois à venir. D’ailleurs, face à l’écrasement des salaires vers le SMIC, plusieurs organisations syndicales réclament une révision des grilles. La CFDT dénonce par exemple le fait que les agents de catégorie C restent quatre ans au SMIC avant une augmentation de 8€ par mois, que les agents de catégorie B soient recrutés au même indice et restent au SMIC pendant quatre ans et que les agents de catégorie A soient recrutés avec un indice supérieur d’à peine 10% au SMIC. Pour les syndicats, ce tassement des salaires contribue aussi à la faible attractivité de la fonction publique. Le Gouvernement a annoncé une « réforme complète des grilles et de l’organisation de la fonction publique » à la fin de l’année, après les élections professionnelles. C’est donc un autre chantier à suivre ces prochains mois, qui ne manquera sûrement pas de remettre sur la table des négociations la question du point d’indice et des conditions de travail dans la fonction publique.